Je n'ai jamais éprouvé cette sensation d'avoir eu une enfance négligée. J'ai même plutôt l'impression d'avoir été aimée, choyée. J'étais une jeune fille comme toutes ces petites filles qui ont des rêves plein la tête et qui passent leurs journées à danser et à chanter. J'etais assez réservée, c'est vrai, mais j'avais quelques amis et étais emplie de curiosité pour la vie.
Un après midi, je fus invitée chez une amie avec pour seul programme, jouer tout le temps qu'il nous était permis. Ce jour là je fus surprise de voir que son papa était là, attendrissant avec elle, un regard fier. L'amour qu'il lui donnait était vraiment palpable, c'était beau. Cette connexion, ce partage, tellement simple entre eux deux. Je me suis alors mise à comparer. En rentrant chez moi, le soir même, j'ai regardé mon père. J'ai cherché son attention par quelques moyens que ce soient, mais elle ne s'adressait pas à moi.. Je le revois encore, au dessus de son synthé, faisant courir ses doigts dans une mélodie qui me parlait. Cette connexion, c'était à peu près la seule que j'avais, lorsqu'il jouait. Là, les émotions fusaient et je rêvais de pouvoir un jour faire partie de la musique.
N'étant moi même pas très expressive, j'ai essayé de mettre ce sentiment de côté et me dis alors qu'il nous aimait, certainement à sa façon. Et puis ma mère nous exprimait tellement d'amour et d'attention que je ne pouvais pas me permettre de trop en demander.
En grandissant toutefois, mon inconscient n'oubliez pas et celui ci avait, petit à petit, créé un manque, un vide à combler. J'avais ce besoin de me faire apprécier et remarquer, pour me sentir considérée. Inconsciemment je me suis laissée aller dans un comportement d'adaptation constante, cherchant à plaire ou attirer discrètement l'attention pour avoir ne serait-ce qu'une once de considération. Et puis, l'adolescence est arrivée et j'ai continué ce schéma dans tout ce que je vivais, cherchant à plaire à quiconque et ne supportant pas que quelqu'un ne m'aime pas. Je n'avais pas conscience de ce mécanisme routinier qui s'était construit dans ma tête et essayais tant bien que mal d'être une personne plaisante, charmante et non trop voyante. Ma vraie personnalité commençait peu à peu à m'échapper.
Voyant que l'attention de mon père ne se tournait toujours pas vers moi, je suis passée par la case rébellion, étant en constante contradiction avec lui, sa façon de pensée. J'ai plusieurs fois fugué et essayé de me disputer pour, je le sais maintenant, me faire remarquer. Cela n'a pas vraiment fonctionné comme je l'espérais. Il ne savait toujours pas comment faire et à ce moment là je lui en voulais..
Je me souviens d'un soir où je m'étais faite toute belle pour sortir. J'étais encore chez ma mère avec comme invités mon oncle et sa compagne. Quand je sorti de la chambre accompagnée d'une amie et que je défilais timidement avec ma robe de soirée, je fus surprise par les mots bienveillants de ce dernier qui me dit en toute sincérité que j'étais très jolie. Cela peut paraître un peu simple, quelque peu banal, mais ce jour là je compris que c'est ce que je cherchais. Un mot bienveillant et sincère, une marque de tendresse, une bénédiction. Je souhaitais connaître ce sentiment que chaque petite fille ou plus grande vivait avec leur père de le rendre si fier. Seulement les années ont passées et j'ai réussi à accepter. Accepter que mon papa n'était pas très doué pour ça, qu'il gardait bien cachés ses sentiments profonds et que malgré tout je ne lui en voudrais pas.
Aujourd'hui j'essaie d'effacer ce mécanisme bien ancré dans ma tête de chercher à constamment plaire et j'essaie de retrouver la petite fille que j'étais, celle qui est réellement moi et qui ne se soucis pas de ce que peuvent penser les autres. Je fais doucement sa connaissance, commence à l'aimer pour ce qu'elle est et si quelqu'un ne doit un jour pas l'apprécier alors je sais que moi je serais là, qu'elle n'a besoin que de ça.
Au final, Papa, je ne t'en veux pas. Oui c'est vrai, j'ai perdu du temps à me perdre et à me faire passer pour celle que je ne suis pas, mais cette quête que j'ai du entamer, c'est celle qui me permet de chercher en moi l'accord parfait. Je n'aurais pas été la même et je n'aurais pas autant cherché si je n'avais pas eu à me perdre pour mieux me retrouver. Le chemin est long et je sais que je risque de retomber quelques fois dans ces schémas, mais je suis consciente de cela et ça ne m'arrêtera pas.
Quelques soient nos blessures, elles nous poussent à nous surpasser. Lorsque nous les comprenons, que nous les acceptons, nous pouvons voir en elles une opportunité d'atteindre une meilleure version de nous-mêmes. Le chemin évidemment ne sera pas facile, mais l'enseignement que nous en ressortiront sera plus gratifiant encore et nous nous sentiront alors plus proche de nous même, bienveillants et aimants.
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